Il était une fois, à une lointaine époque que la gloire des hommes n'a jamais connu, un peuple-roi qui gouvernait avec bonté et sagesse sur le monde. Cet empire sans âge ne possédait ni frontière, ni barrière. Chacun y vivait libre et heureux. Il n'y avait ni guerre, ni famine, ni injustice. Ce peuple-roi ne connaissait rien de la barbarie et de la violence. Toutefois, leur infinie connaissance offrait à leurs thaumaturges le pouvoir de guérir toutes les maladie, même la vieillesse. A leurs artisans, une finesse si prodigieuse qu'elle octroyait à leurs ouvrages des propriétés merveilleuses. A leur chanteur et danseurs, une voix si mélodieuse et une agilité si gracieuse que les arbres chantaient et dansaient avec eux. Ce peuple, nommé les elfes, vivaient harmonieusement avec la nature et pouvait comprendre le langage des astres, de la Lune et du Soleil. Leur règne s'étendait par delà les plus vastes et les plus denses forêts d'Europe, au-dessus des plus hautes et inhospitalières montagnes d'Asie et au sein des désert ancestraux d'Afrique. Aucun océan, aucune terre ni aucun ciel n'ignorait la suprématie royale des elfes. Cependant, immortels et bienveillants, ils partageaient avec équité leurs territoires avec toutes les créatures vivantes, visibles et invisibles de ce monde. Et toutes, sans exception, leur jurèrent allégeance. Fées, lutins, trolls, géants, nains, nymphes, faunes, gnomes, orcs, ogres, sirènes, dragons, centaures, griffons, mages et des milliers d'autres s'unirent à eux et tous ensemble, se baptisèrent le Peuple Féerique. Aucun ne fut oublié. Aucun ne fut mis de côté. Et bien que la cohabitation avec certaines races ne fut guère facile, le bon roi Oberon, aidé et soutenu par la divine reine Mab, établit un règne de paix et de prospérité sur l'ensemble du monde magique. Il en fut ainsi des millénaires durant sans que jamais quiconque ne réprouve ou ne mette en doute le règne du grand et sage Oberon qui fut surnommé Le Plus Grand de Tous les Rois. Aucune civilisation au monde ne rivalisa et ne rivalisera jamais avec la puissance et la richesse du royaume d'Oberon.
Il en fut ainsi jusqu'à l'apparition de l'humanité.
Les hommes n'étaient guère nombreux et étaient primitifs, simples d'esprit mais doté d'un instinct carnassier et d'une soif de pouvoir que les pacifiques elfes ne purent comprendre. Cependant, laissant chacun libre d'habiter ce monde, ils acceptèrent la colocation difficile avec cette race avare de sang et de richesse. Ils se mirent alors à bâtir des édifices et des civilisations sur les grandes plaines des elfes. Ils tentèrent de dompter la nature par la force brute et la violence. Dans leur folie des grandeurs, ils brûlèrent des forêts, asséchèrent des lacs et exterminèrent des peuples. Contraints à la guerre, les elfes formèrent leurs premiers guerriers pour se défendre face à ce nouvel envahisseur pourtant si fragile. Mais, peu habitués à perdre les leur dans des massacres, les elfes et tout le peuple féerique se retirèrent du regard avide et cruel des hommes pour s'exiler dans les plus profonds déserts, forêts, montagnes et océans. Oberon, convaincu que l'immaturité des hommes était dû à leur jeune âge, décida d'imposer le silence et le secret au monde magique afin de laisser l'humanité s'épanouir, espérant qu'un jour, leur deux peuples sachent s'unir dans une même harmonie. Les fées, les dragons et les licornes se firent de plus en plus rares. Les arbres cessèrent de chanter et de danser. Le peuple féerique devint de plus en plus habile pour se cacher, gagnant, pour certains, le pouvoir de prendre apparence humaine. Ainsi, le règne de l'homme avait commencé, dans la terreur et dans les larmes.
Avec le temps, les elfes perdirent une partie leurs grands pouvoirs. Leur lien avec les astres et la nature fut de plus en plus mince. Beaucoup se mirent à vieillir et à tomber malade et le royaume se brisa en une myriade de territoires indépendants et hostiles.
C'est dans la grande capitale du royaume féerique, en Irlande, cachée à la vue des hommes, que naquit le premier enfant du roi Oberon et de la reine Mab. Un jeune prince dont la beauté reflétait d'une perfection infini la gloire et la puissance des elfes de jadis. Le jeune dauphin, bien-né, fut baptisé Nuada. Il fut instruit par les meilleurs maîtres d'arme. Par les plus grands et les plus sages précepteurs. Il n'était qu'un enfant mais il possédait déjà la noblesse d'un roi.
Il n'avait que sept siècles lorsqu'il fut fiancé et promis à la plus grande dame d'Irlande et du royaume. Elle n'était qu'un bébé et lui, un très jeune enfant qui se penchait avec innocence au-dessus de son couffin, sans vraiment comprendre ce que le mariage pouvait bien signifier. Le roi Oberon et le seigneur Delbaeth s'assurèrent que les deux enfants grandissent côte à côte, nourrissant l'un pour l'autre une affection si grande et si sincère qu'ils devinrent d'inséparables amis. Puis, les jeux d'enfants laissèrent place aux jeux de séduction. Ils roucoulèrent ensemble, près des bassins de Lune et écoutèrent les oiseaux chanter leur romance, sous l'aurore du petit matin. Ils écoulèrent de paisibles jours où Nuada fit grandir en lui un amour toujours plus grand et dévoué pour sa jeune fiancée.
Nuada, cependant qu'il faisait la fierté de son père par ses excellents talents de guerrier et sa beauté légendaire, avait, au fil des siècles, construit une personnalité révoltée et impulsive que l'on accorda comme l'héritage de sa mère. Lorsque cette dernière fut foudroyée par la maladie, Nuada consomma sa tristesse et son chagrin dans le perfectionnement des arts martiaux et des armes. Sa bouche se remplit d'amertume et de rancœur vis à vis des hommes qu'il considéra bien vite comme indigne de gouverner le monde. Ses discours furent difficilement apaisés par ceux de son père, plus modéré et encore blessé du deuil des guerres passées et de sa défunte épouse, qu'il aimât comme sa propre chaire. Très vite, Nuada se persuada que les lois sacrées qui les enterraient au secret étaient dépassées. Que les conseillers et les sages dirigeaient leur monde vers l'annihilation de leur société et de leur espèce. Cependant, encore peu certain dans ses propos et ignorant des choses du monde extérieur, le jeune prince décida de constater les dégâts de leur exile de ses propres yeux. Comme il lui était bien interdit de quitter leur forêt sans l'autorisation du roi et conscient que ses projets ne plairaient guère aux siens, Nuada s'exila du palais, sans en avertir ni son père, le roi ni sa bien aimée Ethnui.
Son périple le mena vers des terres hostiles aux êtres de son espèce. Se cachant de jour et visitant les citées humaines la nuit, Nuada constata avec répugnance les meurtres commis sur la nature et sur les siens. Personne, parmi les elfes, n'ignore les déforestations, les usines, les pollutions, les élevages de masse. Mais, la sordide vérité qui éclate sous ses propres yeux est bien plus cruelle que celle que l'on enseigne dans les livres et les contes. Dans les villes humaines, le prince apprit la pauvreté, la faim, l'injustice, la mort, la maladie. L'impitoyable loi du plus fort qui régit la société des hommes. Effleuré par la grâce pestilentielle de cette découverte, le prince quitta les contrées humaines et guida ses pas vers les terres oubliées de son peuple. Isolés et marginaux, Nuada rencontra de nombreux clans en guerre qui se disputaient férocement les maigres ressources que les hommes avaient grassement gaspillés. Par force et diplomatie, il réussit à réinstaurer la paix entre ces différents peuples qui se fédérèrent unanimement sous la bannière du prince et du royaume des fées. En échange, ces mêmes tribus réclamèrent de lui qu'il restaure leur puissance disparue. Nuada le jura, malgré la politique neutre et égoïste des elfes.
L'odyssée du prince ne s'arrêta guère aux confins isolés du royaume. Les elfes, maîtres d'une magie bienfaitrice et lumineuse, avaient bannis beaucoup de créatures des ténèbres de leurs terres. Vampires, loup-garous, démons, harpies, trolls, ogres et nécromanciens faisaient partie de ces êtres sanguinaires et maniant des magies interdites qui avaient effrayés leur pâle sagesse. Toutefois convaincu que leur rédemption ne saurait se réaliser sans l'aide de toutes les créatures magiques de ce monde, Nuada alla à leur rencontre et appris d'eux comme ils apprirent de lui. Ce fut une réunion noble et digne, bien que loin des idéaux superficiels des elfes, où Nuada accepta de prendre l'enseignement de quelques mages noirs et de sombres divinités. Il devint plus fort, plus agile, plus puissant et plus rapide en peu de temps. Toutefois, ce gain de pouvoir n'est jamais sans conséquence pour des êtres aussi purs et bienveillants que les hauts-elfes. Au prix de cette corruption, Nuada reçu sur son visage les marques des dieux maudits et perdit toute sa lumière . Sa peau devint rugueuse et terne. Ses cheveux blanchirent et perdirent leur blond solaire. Ses lèvres et ses yeux noircirent tandis que ses pupilles, originellement bleus comme un lac d'été, devinrent jaunes et mauvais. Nuada avait sacrifié son rang et sa beauté au profit d'atouts nécessaires à une révolution. Il décida que son visage refléterait celui de son peuple et qu'il ne retrouvera la lumière que lorsque les siens l'auront également retrouvé.
Après quatre cents ans d'absence, il était temps pour le prince de retrouver les siens. Et malgré tout son bonheur de revoir son père et sa belle Ethnui, Nuada savait quel accueil recevraient son son visage meurtrie et sa décision de fuir leur tombeau d'ors et de fleurs.
Quatre siècles ne sont rien, dans la vie d'un elfe. Mais, ils parurent une éternité, pour le prince. Son appréhension, mêlée à la joie de retrouver ses proches l'enivrèrent. Avec ses nouveaux pouvoirs et son nouveau visage, Nuada se présenta humblement au roi, avec les richesses et les présents des clans qu'il avait fédéré. Comme il s'en était douté, Oberon réprouva ses choix et lui interdit de parler à quiconque de ce qu'il avait vu et entendu, lors de son périple. Il lui supplia, pour l'amour d'un père brisé, de soigner les plaies que les ténèbres avaient ouvert en lui. C'est avec fermeté mais néanmoins beaucoup de respect que Nuada refusa de retrouver la lumière. Et malgré toute la peine qu'il infligea à son vieux père, ce dernier fit célébrer le retour du prince qui avait fait renaître la citée en torpeur depuis son départ.
Affronter le regard de son père ne fut guère chose aisée. Mais, Nuada le savait, il ne s'agissait que d'une moindre épreuve, face au jugement d'Ethnui. Il vint à elle à visage couvert. Puis rassembla son courage - pourtant connu pour être si grand - et la laissa découvrir son impiété. Elle le regarda d'abord avec effroi. Mais surtout, comme son père, avec profondément de peine. Ne cachant ni secret, ni espoir à sa promise, Nuada brisa les interdits de son père et parla de ce qu'il avait vu, de ce qu'il avait apprit et de ce qu'il pensait de la politique elfique. Ethnui resta fort silencieuse mais son regard parlait pour elle. Elle se montra choquée des opinions du prince et l'avertis de l'inexorable : Aucun roi n'a jamais et ne sera jamais tourné vers les magies noires. Même si, pour s'en assurer, il faille lui interdire l'accès au trône. Fadaises ! La couronne lui revenait de plein droit, affirmait-il naïvement.
Houleux et difficile sujet qu'est la corruption d'un elfe. Les débats du conseil furent légions mais jamais Oberon n'y émit le moindre avis. Durant un mois, le bon roi laissa les langues de vipère siffler leur crainte et leur méfiance tandis qu'il célébrait le retour inespéré de son fils. Nuada, dont les amours se laissèrent déstabiliser par les clivages politiques à propos de sa supposée folie, chanta son amour pour sa tendre promise et lui présenta tous les propos les plus rassurants qui soit sur la pureté encore immaculée de son âme. Sur ses affections inchangées depuis ces quatre longs siècles d'errance. Il dissipa les craintes que le seigneur Delbaeth avait distillé dans son cœur et ils parlèrent innocemment de mariage et de noces. Nuada était confiant. Il se présenta fièrement au seigneur d'Irlande, humble et respectueux, pour demander sa bénédiction. Mais, ce dernier ne lui laissa guère le temps de lui soumettre sa requête ; Il savait ce qui poussait le prince à l'entretenir et cela ne lui convint en aucune façon. Il refusa d'offrir sa bénédiction pour un mariage qui ferait, à son compte, irrémédiablement le malheur sa tendre fille. Un mariage corrompu par les ténèbres. Nuada n'y vit que la haine d'un elfe, dirigée vers l'inconnu et ce qu'il ne maîtrisait pas. Le prince en discuta avec son père qui approuva la décision de Delbaeth. Et pour préserver Ethnui de la corruption et Nuada de la souffrance, avait-il été décidé que la jeune promise quitterait Findias avec son père pour rejoindre les terres originelles de ses ancêtres. Pour un haut-elfe si conservateur que Delbaeth, Nuada pouvait comprendre ses réactions, bien qu'il ne l'acceptât jamais. Cependant, la trahison de son père avait brisé quelque chose en lui qu'il ne pourrait jamais réparer. Leur échange fut véhément et plein d'amertume et de colère. Brisé et au désespoir, le prince rejoignit Ethnui qui avait été mise au courant des projets du seigneur, son père. Incapables de décider de quelle voie emprunter sans que l'un ou l'autre ne s'afflige de malheurs insoutenables, les jeunes amants conclurent qu'ils devaient s'enfuir. Loin de la tyrannie de leur parent. Loin de la folie des hauts-elfes. Loin des prisons dorées de Findias.
Gaiement et pleins d'espoir, leur envolée ne dura cependant guère longtemps. Et n'eurent-ils pas eut le temps de quitter les forêts que les soldats du roi et du seigneur Delbaeth les retrouvaient. Nuada se battit bravement pour défendre les droits de son amour mais, il fut incapable de défaire tous ses adversaires. Contraint par la force, le jeune prince fut enfermé dans ses appartements, le temps que la belle Ethnui puisse s'enfuir loin de cette débauche. Toutefois, avant de partir auprès des siens, Ethnui réussi à offrir à Nuada un pendentif elfe. Au bout se tenait une petite perle de lumière qui luisait d'un éclat solaire. En gage de leur prochaine rencontre, Nuada garda le bijou près de lui, aussi précieusement que sa vie.
Coupable de corruption, utilisation de magies obscures, désobéissance au roi et aux obligations princières, fuite préméditée avec enlèvement, voie de fait sur des soldats royaux. Les chefs d'accusation défilèrent longtemps. L'audience était restreinte. Quelques conseillers proches du roi, son père, un juge et quelques témoins. Tout se passa bien trop vite pour le pauvre prince, trahi par les siens mais surtout accablé de chagrin. On ne le laissa guère prendre la parole ni défendre sa cause. Car, on ne laisse pas un fou parler. Et comme tous les fous, il tenta bien vainement de plaider sa lucidité. Il écouta de vieux sages aigries et des magistraux peureux parler de lui comme si l'on parlait d'un enfant. Son père, en dernier, prit la parole et, puisqu'il était le roi, sa sentence fut irrémédiable et irrévocable. Il serait exilé auprès d'un grand sage afin de mûrir ses crimes et ne reviendrait chez lui que lorsqu'il acceptera d'être purifié par les mages elfiques. Un seul sage répondit à l'appel. Un seul sage semblait avoir le pouvoir et la bonté de remettre sur le droit chemin un enfant aussi égaré : Le légendaire Merlin, ami depuis toujours avec le peuple des fées. Et refusant que Nuada n'embrigade d'autres elfes et créatures de la nuit dans ses projets déments, on accepta par dépit qu'il aille vivre à New-York, auprès des hommes. Puisqu'il voulait voir la bonté en chaque être, il aurait ainsi l'occasion, peut-être, de découvrir de belles vertus à l'humain. Il prit le premier navire elfique et débarqua à New-York, la mort dans l'âme. Il y fut accueilli et installa sa chambre au Sanctuaire où il prévoyait d'y mourir de chagrin, dédiant chacune de ses pensées à sa malheureuse fiancée.
Si Nuada ne pouvait se montrer publiquement, on espérait de lui qu'il fasse l'effort de s'intégrer auprès des autres pensionnaires de sa geôle. Pourtant, le prince s'emmura dans un silence opaque et on ne le vit jamais ailleurs que dans sa chambre et aux bibliothèques. Rarement, Nuada alla chercher réconfort auprès des arbres sans vie et sans âme de Central Park. Il arrivait quelque fois que le jeune elfe rencontre d'autres visages. Mais, dans sa haine et sa tristesse, ce n'était jamais guère pour d'autres raisons que se battre. Invaincu jusqu'alors, des guerriers de tous les horizons se mirent à venir à lui pour le défier en duel et espérer gagner la gloire d'avoir triomphé de sa force et de son habileté. Cette renommée de querelleur n'était rien d'autre que la manifestation concrète de son refus à coopérer avec les lois et les décisions de son père et bientôt, il fut chose courant que l'on vienne rencontrer le prince Nuada au Sanctuaire pour le voir manier les armes.
Une nuit, une ombre vint le voir. Sous une grande cape, son visage était caché mais son arme lui était bien visible. Quoique lassé, Nuada tira son sabre. Et alors que sa fougue lui embrumait l'esprit, il entendit le rire cristallin et léger d'une voix si familière qu'il en rêvait chaque nuit depuis deux lunes. Depuis son départ. Depuis qu'il l'avait quitté. Ethnui avait échappé à son père et avait voyagé jusqu'à lui en suivant la seule trace de son amour. Le cœur embaumé et la joie retrouvée, Nuada la garda longtemps dans ses bras et ils discutèrent tant qu'ils virent ensemble l'aube se lever, lui rappelant avec une volupté oubliée leurs longues conversations des petits matins à Findias, dans les jardins fleuris du palais.
Ethnui avait fait un voyage long, douloureux et parsemé de bien trop d'embûches pour un être si pur et si fragile. Elle réclama de se reposer. Ils s'enlacèrent et elle s'endormit d'un profond sommeil. Dans une gaieté qu'il n'avait plus ressenti depuis trop de temps, Nuada prépara pour elle son réveil. D'un grand plateau qu'il fournit généreusement, il remonta la voir. Il posa le plateau à son chevet, s'assit près d'elle et prit sa main. Elle était glaciale. Il lui embrassa le front comme il avait l'habitude de la réveiller, jadis. Elle ne s'éveilla guère. Murmura son nom comme la plus divine des douceurs. Elle demeura inerte dans son lit.
Son petit corps n'avait pas survécu au voyage et à la fatigue. Ses poumons n'avaient pas tenu la pollution de la ville. La blessure qu'il avait déjà en lui déchira son âme en deux. Et dans une souffrance qu'aucun mot d'homme ni d'elfe ne pourra jamais décrire ni même approcher, il sombra dans une noire mélancolie.
Il brava l'interdit de quitter les frontières de la ville et apporta le corps d'Ethuin dans les sombres bosquets. Ses funérailles furent longues et toutes les créatures de la forêt, animales et intelligentes, magiques ou non, vinrent se recueillir auprès du prince et de la tombe de sa bien-aimée. Avec leur aide, il construit, au-dessus, un temple sylvestre que les nymphes, les faunes et les fées bénirent. Les plus belles et les plus rares fleures du monde bourgeonnèrent sur son mausolée pour ne jamais se faner.
Nuada refusa tous les duels. Repoussa toutes les approches, aussi amicales fussent-elles. Et se perdit dans un profond mutisme endeuillé. Sa conscience se troubla. Son esprit se nourrit de la plus vive des colères. Et, bien que son deuil fusse éternel, il ne sortit enfin de sa chambre que cinq longues années après, ressassant vengeance et rancœur.
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